Politique agricole
La qualité avant la quantité, rechercher un avantage comparatif
1 - Favoriser la qualité par la certification obligatoire
On nous a fait croire depuis 50 ans que l'agriculture intensive était moderne, technologique, mais il n'y a rien de bien subtil à arracher les haies avec des bulldozers, à arroser les champs avec des tonnes d'engrais ou de pesticides. La véritable agriculture biologique n'a plus grand chose à voir avec celle de grand-papa, car elle nécessite une observation fine de la nature et la coopération de spécialistes universitaires pour trouver des solutions intelligentes de protection des plantes qui préservent cet équilibre naturel. Et contrairement à ce qu'on dit, elle est productive, avec un rendement qui atteint 80% de l'agriculture dite "conventionnelle", mais les obstacles sont nombreux, comme par exemple l'impossibilité d'utiliser ses propres semences adaptées au bio (catalogue du GNIS). Il nous faut sortir rapidement du modèle agro-industriel fondé sur le pétrole, l'endettement financier, l'exportation à tout prix et la dépendance. Quand une culture est menacée de destruction par un insecte ou un champignon, il faut utiliser un pesticide pour la soigner mais uniquement de façon curative comme on utilise un médicament subtilement dosé contre une maladie.
Propositions:
- développer la certification qualité de tous les produits agricoles sur la base d'un cahier des charges sur les intrants, les effets sur l'environnement et la santé des consommateurs, la traçabilité, la provenance régionale, le type d'élevage (par ex. boeuf nourri à l'herbe plutôt qu'au grain),
- ne pas supporter un seul modèle, bio ou conventionnel, oppsant les agriculteurs entre eux, mais permettre à différentes formes d'agriculture et d'élevage de coexister en favorisant dans chaque cas la qualité, la sécurité alimentaire sur le long terme et la santé,
- développer les pratiques alternatives à la culture traditionnelle (semis directs, culture sous couverture végétale...) en laissant les agriculteurs les expérimenter, ce que certains font déjà, en évaluer les résultats sur les plans organiques et des émissions.
2 - Régionaliser la politique agricole, diversifier nos productions
Depuis 1957 qu'existe la politique agricole commune, le bilan n'est pas favorable : uniformisation, soutien massif à l'agriculture intensive, pollution des sols et des eaux (algues vertes en Bretagne), inadaptation des productions aux nouvelles conditions climatiques, mécontentement des agriculteurs et des consommateurs.
Par ailleurs, nous sommes de plus en plus dépendants de l'extérieur pour un certain nombre de productions, comme les fruits et légumes ou le soja.
La raison en est que l'Europe n'est pas le bon niveau pour gérer une politique qui a de plus en plus besoin de proximité. Les grandes régions constituent le niveau approprié de gouvernance.
Proposition : entreprendre une réforme de cette politique, sinon au niveau européen, du moins au niveau national. Les certifications (AOP, BIO...), appelées à se développer, seraient gérées au niveau régional et non plus national ainsi que les aides car une politique de qualité a besoin d'une relative proximité pour se déployer.
3 - Lutter contre les monopsones
Les monopoles (offre réduite sur un marché) sont néfastes à l'économie mais il est de même pour les monopsones (un seul acheteur ou groupement d'acheteurs).
En effet, une caratéristique de l'économie de marché est le PLURALISME qui fait que personne ne peut imposer à un intervenant d'acheter ou de vendre à un autre par la contrainte, juridique ou économique. Or aujourd'hui la grande distribution s'est organisée pour centraliser ses achats de façon excessive, en supprimant la concurrence des acheteurs et donc la liberté pour les producteurs, notamment agriculteurs, de renoncer à une négociation s'ils l'estiment peu avantageuse pour leurs intérêts, faute de demande concurrente.
Proposition : appliquer pour les monopsones les mêmes règles de concurrence que pour les monopoles en permettant à l'autorité de la concurrence de sanctionner financièrement les centrales d'achat en situation de monopsone sur un marché ou un territoire, et en lui donnant la possibilité de les démanteler.
Il y avait 1,6 M d'agriculteurs en 1980, ils ne sont plus que 400 000 aujourd'hui dont la moitié prendront leur retraite dans 10 ans. La plupart ne survivent que grâce aux aides européennes. Il y a une raison à cela : l'industrialisation de la ferme et des cultures. L'agriculture et l'élevage intensifs produisent beaucoup, mais sans apporter une alimentation de qualité aux consommateurs et sans apporter une marge suffisante aux agriculteurs, car comme le dit le patron d'Hermès, Axel DUMAS :" De nos jours on fabrique de manière de plus en plus industrielle des produits de moins en moins chers, d'une qualité de moins en moins bonne et qui rémunèrent de moins en moins."
"Vous êtes fous d'avaler çà !" est le titre choc du livre d'un trader de l'agroalimentaire qui raconte à quel point le système de distribution alimentaire est devenu corrompu, des filières entières ayant pour unique objet non pas de nourrir, mais de tromper les consommateurs sur le contenu des produits alimentaires et leur grammage. "L'industrie agroalimentaire" utilise souvent des expédients, en ajoutant exagérément de l'eau, du sucre du sel, des gélifiants, des additifs chimiques dans les plats cuisinés pour répondre à la demande de prix toujours plus bas formulée par la grande distribution.
Cette course au prix bas est devenue suicidaire pour notre agriculture car nous sommes dépassés par des pays européens qui ont fait le choix d’une massification de la production depuis 30 ans (Espagne mais aussi Allemagne). Alors qu'au contraire, le choix de la qualité et du terroir (piment d’Espelette, vallée des Aldudes...) est très rémunérateur dans un pays de tradition culinaire comme la France.
Par ailleurs, l'agriculture intensive, avec ses additifs chimiques, contribue à la destruction des espèces car elle brise le cycle naturel de la vie : par exemple les populations d'oiseaux ne trouvent plus les insectes qui leur servaient de nouriture et se dépeuplent à leur tour ; de même les pollinisateurs attaqués par ces substances menacent la reproduction végétale. Les labours rendent les sols arides par disparition de l'humidité et des mico-organismes qui les fertilisent.
Enfin, les pratiques d'élevage intensif sont fortement remises en cause, car sources de maltraitance animale et de maltraitance aussi du consommateur.
La France a une tradition de terroir, avec ses fromages (Camembert, Bleu d'Auvergne, Comté, Roquefort) ses viandes (poulet de Bresse, Salers), ses charcuteries (jambons crus, foie gras, terrines, tripoux, rillettes), ses plats cuisinés (cassoulet, confits de canard), sa confiserie (calissons d’Aix, bêtises de Cambrai). Il s’agit d’un potentiel économique et régional considérable et reconnu à l’étranger, mais actuellement sous utilisé à cause de la politique agricole commune qui nivelle les particularismes.